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plaindre hautement de cet embarras. Le mari est déshonoré s’il est soupçonné d’accompagner sa femme parce qu’elle ne peut pas décider son ami à lui donner le bras pour traverser l’atrio. Tout ce que je viens de raconter était encore plus vrai avant 1796. Plusieurs jeunes femmes osent aujourd’hui monter dans leur loge suivies par un domestique, ce qui paraît le comble de la bassesse aux vieilles femmes nobles.

Hier, comme j’étais arrêté dans l’atrio avec quelques fats de mes amis, ils m’ont fait remarquer un beau jeune homme au teint basané et parfaitement morose, qui se tenait collé contre la muraille du vestibule ; on eût dit qu’il accomplissait un devoir, aussi est-ce un Anglais qui a vingt-deux mille louis de rente. Être triste avec une telle fortune paraît monstrueux à mes nouveaux amis. Ce pauvre Anglais, leur disais-je, est une victime de la pensée. (Ici, jusqu’à trente ans, l’homme n’est que sensations.) Quelle différence avec le jeune Allemand de même âge qui est kantiste jusqu’aux genoux de sa maîtresse !

J’aime beaucoup la société des hommes qui ont plus de quarante ans. Ils sont remplis de préjugés, moins instruits et beaucoup plus naturels que tout ce qui