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trouve sa place près de la porte. C’est ainsi que chacun se trouve à son tour à côté de la maîtresse de la loge. J’ai vu un amant timide s’en aller dès que son rang d’ancienneté l’avait amené près de la femme qu’il aimait. Elle partageait cet amour, c’était un spectacle curieux.

Le vestibule de la Scala (l’atrio) est le quartier général des fats ; c’est là que se fabrique l’opinion publique sur les femmes. On attribue pour ami à chacune d’elles l’homme qui lui donne le bras pour monter dans sa loge. C’est surtout les jours de première représentation que cette démarche est décisive. Une femme est déshonorée quand on la soupçonne d’avoir un ami qu’elle ne peut pas engager à lui donner le bras à huit heures et demie, lorsqu’elle monte dans sa loge. J’ai vu hier un homme se défendre vigoureusement de rendre ce petit service à une de ses amies : « Mia cara, a-t-il fini par lui dire, je ne suis pas assez heureux pour avoir le droit de vous donner le bras, et je ne veux pas avoir l’air de doubler M. F***. » La femme s’est fort défendue d’avoir F*** pour ami ; mais le premier a persisté. Quand une femme se trouve décidément sans ami, c’est son mari qui lui rend le service de l’accompagner. J’ai vu un mari fort jeune et fort bel homme se