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se vend au ministère, chacun fait son petit marché comme il l’entend, et, s’il réussit, l’on va dîner chez lui, et les convives disent en sortant : « Monsieur un tel sait bien tirer son épingle du jeu ! » Lequel est le plus immoral pour une femme d’avoir un amant, ou pour un homme de vendre son vote afin de faire passer une mauvaise loi ou tomber une tête ? Tous les jours nous honorons dans la société des hommes coupables de ces peccadilles.

L’opinion ici respecte une jolie femme dévote comme ayant une grande passion : la peur de l’enfer. Madame Annoni, l’une des plus belles femmes de Milan, est dans ce cas. On méprise une sotte qui n’a point d’amant, ou qui n’a que des espèces (spiantati). Du reste chaque femme est bien la maîtresse de prendre qui elle veut ; quand on l’invite quelque part, on invite l’ami. Quelquefois j’ai vu arriver des femmes aux sociétés du vendredi avec un ami dont la maîtresse de la maison ne savait pas le nom ; l’usage est cependant de dire par un billet le nom du cavalier servant, qui laisse sa carte à la porte, et on l’invite nominativement.

Dès que l’on peut croire que la raison d’argent est entrée pour quelque chose dans les déterminations d’une femme, elle est parfaitement méprisée. Si on la soup-