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quand il a perdu toute timidité, est l’esclave de la sensation actuelle ; il en est entièrement rempli. Tout ce qui n’est pas l’ennemi qu’il abhorre, ou la maîtresse qu’il adore, disparaît à ses yeux. On trouve quelques fats à la française parmi la noblesse. Ainsi que les jeunes Russes, ils sont de cinquante ans en arrière ; ils copient le siècle de Louis XV. Ils sont comiques, surtout à cheval, se montrant dans les promenades publiques. — Hier, aux Giardini, vers une heure, nous avons eu une musique instrumentale délicieuse. Tel régiment allemand a quatre-vingts musiciens. Cent jolies femmes écoutaient cette musique sublime. Ces Allemands nous ont joué les plus jolis morceaux de Mozart et d’un jeune homme nommé Rossini. Cent cinquante instruments à vent parfaits donnaient à ces cantilènes une teinte de mélancolie particulière. Les musiques de nos régiments sont à celle-ci ce que la grosse chaussure d’une marchande de marée est au joli petit soulier de satin blanc que vous verrez ce soir.

14 novembre. — Della Bianca, le plus jeune de mes nouveaux amis qui, ordinairement placé au premier rang du parterre, enveloppé dans son manteau, ne dit rien, comme je l’interrogeais ce