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rêter le comte Vitelleschi ; il remonte en sédiole, et rentre en prison le mardi soir. La seigneurie de Venise reçoit bientôt le rapport de ce nouvel assassinat : on fait venir le comte Vitelleschi, qui paraît devant, ses juges, pouvant à peine se traîner, tant il est affaibli. On lui lit le rapport. — « Combien de témoins ont signé cette nouvelle calomnie ? dit Vitelleschi d’une voix sépulcrale. — Plus de deux cents, lui répond-on. — Vos Excellences savent cependant que, le jour de l’assassinat, dimanche dernier, j’étais dans cette maudite prison. Vous voyez le nombre de mes ennemis. » Cette raison ébranla quelques vieux juges ; les jeunes favorisaient Vitelleschi comme un homme singulier, et bientôt, à cause de ce nouvel assassinat, il fut mis en liberté. Un an après, le geôlier reçut, par la main d’un prêtre, cent quatre-vingt mille lire venete (90,000 fr.) : c’était le prix d’une petite terre, la seule non hypothéquée qui restât au comte Vitelleschi. Cet homme brave, passionné, bizarre, dont la vie ferait un volume, est mort dans un âge fort avancé, faisant toujours trembler ses voisins. Il a laissé deux filles et quatre fils, tous remarquables par la plus rare beauté. Il y a un conte plaisant d’une cheminée où il avait élu domicile, et où il vécut quinze