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M. Ancillo nous récite quelques poésies de M. Buratti. Si ce n’est pas la perfection, c’en est bien près.

J’ai entrevu ce soir, chez la Nina, M. le comte Saurau, gouverneur de Milan. C’est un homme de beaucoup d’instruction, et, je soupçonne, d’esprit ; je pense qu’il n’est pas né noble, ce qui l’oblige à ne pas prendre le pouvoir en plaisanterie. J’ai vu, à quelque chose qu’il a dit sur Coriolan (ballet de Viganô), qu’il a ce tact fin pour les beaux-arts que l’on ne trouve jamais chez l’homme de lettres français, à commencer par Voltaire.

13 novembre. — Je n’ose raconter les anecdotes d’amour. — Il y avait à Brescia, vers 1786, un comte Vitelleschi, homme singulier, dont l’énergie rappelle le moyen âge. Tout ce qu’on m’en a conté annonce un caractère dans le genre de Castruccio Castracani. Comme il était simple particulier, ce caractère se bornait à dissiper sa fortune en dépenses singulières, à faire des folies pour une femme qu’il aima, et enfin à tuer ses rivaux. Un homme regardant sa maîtresse, comme il lui donnait le bras : « Baisse les yeux ! » lui crie-t-il. L’autre continuant à la regarder fixement, il lui brûle la cervelle. De petits écarts de ce genre n’étaient que des peccadilles