Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison à l’étranger. La maîtresse de R*** est peu jolie et a cinquante ans. Venise était heureuse, et cependant la justice, sur procès entre particuliers, y était pitoyable, et la justice criminelle nulle.

Dès qu’un ridicule se montrait à Venise, le lendemain il y avait vingt sonnets. L’aimable Nina les sait par cœur, mais ne les récite que lorsqu’on l’en prie bien sérieusement.

Je crois à tout ce qu’elle nous dit de l’amabilité des Vénitiens, depuis que madame C*** m’a présenté à M. le colonel Corner. Simplicité de cet aimable jeune homme qui a gagné au feu toutes ses croix, dont les aïeux étaient doges avant que les **** fussent nobles, et qui a déjà mangé deux millions. Partout ailleurs quelle fatuité n’aurait pas un tel personnage !

Il a fort bien improvisé à un piquenique que nous avons fait hier à la cassine des Pommes ; nous avons eu de très jolis vers, des idées agréables et nulle affectation. M. Ancillo, apothicaire de Venise, homme charmant, nous a dit un ancien sonnet aristocratique sur la naissance du Christ. La satire chez Voltaire exerce trop l’esprit ; la satire vénitienne est plus voluptueuse ; elle joue avec une grâce infinie sur des idées fort connues.