Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ami Guasco entra chez moi le matin, avec un grand jeune homme vêtu de noir et fort maigre, mais d’un air très-distingué. C’était monsignore Ludovico di Brême, ancien aumônier du roi d’Italie Napoléon, et fils de son ministre de l’intérieur.

Je vais tous les jours dans la loge de M. de Brême à la Scala. C’est une société toute littéraire. On n’y voit jamais de femmes. M. de Brême a beaucoup d’instruction, d’esprit, et les manières du grand monde. Il est admirateur passionné de madame de Staël, et fort ami des lettres. Il me marque moins d’empressement parce que j’ai osé dire que madame de Staël n’avait jamais fait qu’un ouvrage : l’Esprit des lois de la société. Du reste, elle rédigeait en beau style à effet les idées qu’elle avait entendu énoncer dans son salon. Quand cette femme d’esprit, la première improvisatrice de France, arriva en exil à Auxerre, elle débuta dans l’aimable salon de madame de la Bergerie par se vanter huit jours de suite. Le cinquième jour, par exemple, elle parla uniquement de la beauté de son bras, mais elle n’ennuyait pas.

Comme M. de Brême est fort poli, je continue à me présenter presque tous les soirs dans sa loge. Je porte à ces messieurs des nouvelles de France, des anecdotes