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bonne foi dans le moment. — Les jeunes gens de dix-sept ans, ici, sont silencieux et sombres ; nulle étourderie, nulle gaieté. — Rien de plus rare que la gaieté, en Italie, car je n’appelle pas gaieté la joie d’une passion satisfaite.

10 novembre. — J’ai fait neuf milles en sédiole sur les remparts de Milan élevés au-dessus du sol d’une trentaine de pieds, ce qui est considérable dans ce pays de plaine parfaite. Par l’étonnante fertilité de la terre, cette plaine offre partout l’aspect d’une forêt, et l’on ne voit pas à cent pas de soi. Les arbres ont encore toutes leurs feuilles aujourd’hui 10 novembre. Il y a des teintes de rouge et de bistre magnifiques. La vue des Alpes, dans le lointain, à partir du bastion di porta Nova jusqu’à la porte de Marengo, est sublime. C’est un des beaux spectacles dont j’ai joui à Milan. On m’a fait distinguer le Resegon di Lec et le mont Rosa. Ces montagnes, vues ainsi par-dessus une plaine fertile, sont d’une beauté frappante, mais rassurante comme l’architecture grecque. Les montagnes de la Suisse, au contraire, me rappellent toujours la faiblesse de l’homme et le pauvre diable de voyageur emporté par une avalanche. Ces sentiments sont probablement personnels. La campagne de Russie