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milieu des bastions de la forteresse, changés en promenades et garnis de platanes qui, dans ce terrain fertile, en dix ans ont atteint cinquante pieds de hauteur, est un autre bel ouvrage de Napoléon. Le fond de ce cirque se remplit d’eau, et j’y ai vu, il y a trois jours, trente mille spectateurs assister à une joute nautique où figuraient les bateliers du lac de Como. La veille, en l’honneur de l’arrivée d’un archiduc autrichien, j’avais vu des amateurs de chevaux, montés sur des chars antiques (bighe), se disputer le prix de la rapidité, en faisant quatre fois le tour de la spina du Cirque[1]. Le peuple de Milan est fou de ce spectacle, assez insignifiant pour moi. Je m’ennuyais, lorsque la course des bighe fut remplacée par le spectacle baroque et hideux de trente-six nains hauts de trois pieds et demi, que l’on renferme dans des sacs serrés sous le cou, et qui se disputent le prix de la course en sautant à pieds joints comme des grenouilles. Les culbutes de ces pauvres diables font rire le peuple ; et tout le monde est peuple dans ce pays à sensations, même la jolie signora Formigini.

Ce soir, je me suis plaint de cette inhumanité, dans la loge d’une femme célèbre

  1. Une ligne droite placée sur le grand diamètre de l’ellipse