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pour deux jours. Allez à Lyon ; je vous tiendrai au courant de ce qui arrivera. — Alfred hésitait. — Songez aux propos des baigneurs. — Ce mot décida M. de Larçay ; il s’embarqua.

Le jour suivant, M. de Ruppert fut hors de danger ; mais il pouvait être retenu au lit un mois ou deux. Mina le vit dans la nuit, et fut pour lui parfaite de grâce et d’amitié. — N’êtes-vous pas mon promis ? lui dit-elle avec une fausseté pleine de naturel. Elle le détermina à accepter une délégation très considérable sur son banquier de Francfort. — Il faut que je parte pour Lausanne, lui dit Mina. Avant notre mariage, je veux vous voir racheter le magnifique hôtel de votre famille que vos folies vous ont obligé de vendre. Pour cela, il faut aliéner une grande terre que je possède près de Custrin. Dès que vous pourrez marcher, allez vendre cette terre ; je vous enverrai la procuration nécessaire de Lausanne. Consentez un rabais sur le prix de cette terre s’il le faut, ou escomptez les lettres de change que vous obtiendrez. Enfin ayez de l’argent comptant à tout prix. Si je vous épouse, il est convenable que vous paraissiez au contrat de mariage aussi riche que moi.

Le comte n’eut pas le moindre soupçon que Mina le traitait comme un agent subalterne, que l’on récompense avec de l’argent.

A Lausanne, Mina avait le bonheur de recevoir par tous les courriers des lettres d’Alfred. M. de Larçay commençait à comprendre combien son duel simplifiait sa position à l’égard de Mina et de sa femme. « Elle n’est pas coupable envers vous, lui disait Mina : vous l’avez abandonnée le premier, et au milieu d’une foule d’hommes aimables, peut-être s’est-elle trompée en choisissant M. de Ruppert ; mais le bonheur de Mme de Larçay ne doit pas être diminué du côté de l’argent. » Alfred lui laissa une pension de cinquante mille francs ; c’était plus de la moitié de son revenu. « De quoi aurai-je