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femme ! — Parvenu à la porte, Alfred l’ouvrit vivement. Il vit M. de Ruppert traverser la pièce et courir à la fenêtre. Le comte avait six pas d’avance ; il ouvrit la fenêtre, s’élança sur la galerie de bois, et de la galerie dans le jardin. M. de Larçay le suivit rapidement ; mais au moment où il arriva au mur à hauteur d’appui qui séparait le jardin du lac, la barque dans laquelle s’était jeté M. de Ruppert était déjà à cinq ou six toises du bord. — A demain, monsieur de Ruppert ! lui cria M. de Larçay. On ne répondit pas. M. de Larçay remonta à l’instant chez sa femme. Il trouva Mina agitée qui se promenait dans le salon qui précédait la chambre à coucher. Elle l’arrêta, comme il passait. — Que prétendez-vous faire ? lui dit-elle. Assassiner Mme de Larçay ? De quel droit ? Je ne le souffrirai pas. Si vous ne me donnez pas votre poignard, j’élève la voix pour la prévenir de se sauver. Il est vrai que ma présence ici me compromet d’une manière atroce aux yeux de vos gens. — Mina vit que ce mot faisait effet. — Quoi ! vous m’aimez et vous voulez me déshonorer ! — ajouta-t-elle vivement ! M. de Larçay lui jeta son poignard et entra furieux dans la chambre de sa femme. La scène fut vive. Mme de Larçay, parfaitement innocente, avait cru qu’il s’agissait d’un voleur ; elle n’avait ni vu ni entendu M. de Ruppert. — Vous êtes un fou, finit-elle par dire à son mari, et plût à Dieu que vous ne fussiez qu’un fou ! Vous voulez apparemment une séparation ; vous l’aurez. Ayez du moins la sagesse de ne rien dire. Demain je retourne à Paris ; je dirai que vous voyagez en Italie, où je n’ai pas voulu vous suivre.

— A quelle heure comptez-vous vous battre demain matin ? dit Mlle de Wangel, quand elle revit Alfred.

— Que dites-vous ? répondit M. de Larçay.

— Qu’il est inutile de feindre avec moi. Je désire qu’avant d’aller chercher M. de Ruppert, vous me donniez la main pour monter dans un bateau ; je veux me promener sur le