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sa nièce. Mme Cramer logeait dans la meilleure auberge, et rien n’était plus facile à éclairer que sa conduite. Se croyant malade, elle avait fait appeler les premiers médecins de Chambéry, qu’elle payait fort bien. Mina les consulta par occasion sur une maladie de la peau, qui quelquefois lui enlevait ses belles couleurs pour lui donner le teint d’une quarteronne.

La dame de compagnie commença à être beaucoup moins scandalisée du nom de Cramer qu’on l’avait engagée à prendre et de toute la conduite de Mme de Wangel ; elle la croyait tout simplement folle. Mina avait loué les Charmettes, maison de campagne sur un coteau à une demi-lieue de Chambéry, où J.-J. Rousseau raconte qu’il a passé les momens les plus heureux de sa vie. Les écrits de cet auteur faisaient sa seule consolation. Elle eut un jour un moment de bonheur délicieux. Au détour d’un sentier, dans le petit bois de châtaigniers, vis-à-vis la modeste maison des Charmettes, elle trouva Alfred. Elle ne l’avait pas vu depuis quinze jours. Il lui proposa avec une timidité qui enchanta Mina de quitter le service de Mme Cramer et d’accepter de lui une petite inscription de rente. « Vous auriez une femme de chambre, au lieu de l’être vous-même, et jamais je ne vous verrais qu’en présence de cette femme de chambre. » Aniken refusa par des motifs de religion. Elle lui dit que maintenant Mme Cramer était excellente pour elle, et lui semblait se repentir de la conduite qu’elle avait tenue en arrivant à Aix. — Je me souviens fort bien, finit-elle par lui dire, des calomnies dont j’ai été l’objet de la part de Mme de Larçay ; elles me font un devoir de vous prier instamment de ne plus revenir aux Charmettes.

Quelques jours plus tard, elle alla à Aix ; elle fut fort contente de M. de Ruppert. Mme de Larçay et ses nouvelles amies profitaient de la belle saison pour faire des excursions