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cette femme, ajouta-t-il d’un air léger. C’est dommage, c’était une bonne femme.

— Prenez garde, monsieur, que je ne vous oblige nullement à plaire réellement à Mme de Larçay, dit Mina. Je désire seulement que son mari ne puisse douter que vous lui plaisez.

Le comte sortit ; Mina fut moins malheureuse. Se venger, c’est agir ; agir, c’est espérer. — Si Alfred meurt, se dit-elle, je mourrai ! — Et elle sourit. Le bonheur qu’elle ressentit en ce moment la sépara pour toujours de la vertu. L’épreuve de cette nuit avait été trop forte pour son caractère ; elle n’était point préparée à se voir calomniée en présence d’Alfred et à le voir ajouter foi à la calomnie. Désormais elle pourra prononcer encore le mot de vertu, mais elle se fera illusion ; la vengeance et l’amour se sont emparés de tout son cœur.

Mina forma dans son esprit tout le projet de sa vengeance : était-il exécutable ? Ce fut le seul doute qui se présenta à elle. Elle n’avait d’autre moyen d’action que le dévouement d’un sot et beaucoup d’argent.

M. de Larçay parut. — Que venez-vous faire ici ? dit Mina avec hauteur.

— Je suis fort malheureux ; je viens pleurer avec la meilleure amie que j’aie au monde.

— Quoi ! votre première parole n’est point que vous ne croyez pas à la calomnie dirigée contre moi ! Sortez.

— C’est répondre à de fausses imputations, reprit Alfred avec hauteur, que de vous dire, comme je le fais, que je ne conçois pas de bonheur pour moi loin de vous. Aniken, ne vous fâchez point, ajouta-t-il la larme à l’œil. Trouvez un moyen raisonnable de nous réunir, et je suis prêt à tout faire. Disposez de moi, tirez-moi de l’abîme où le hasard m’a plongé ; pour moi, je n’en vois aucun moyen.

— Votre présence ici rend vraies toutes les calomnies de Mme de Larcay ; laissez-