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Prononcez mon nom, dites un mot à qui que ce soit, et de votre vie vous ne me revoyez.

Après la promenade sur le lac, pendant laquelle et plus d’une fois il avait été question de la beauté d’Anikon, Mme de Larçay rentra chez elle dans un état d’irritation tout à fait, étranger à son caractère plein de dignité et de mesure. Elle débuta avec Mina par quelques mots fort durs, qui percèrent le cœur de la jeune Allemande, car ils étaient prononcés en présence d’Alfred, qui ne la défendait pas. Elle répondit, pour la première fois, d’une façon fine et piquante. Mme de Larçay crut voir dans ce ton l’assurance d’une fille que l’amour qu’elle inspire porte à se méconnaître, et sa colère ne connut plus de bornes. Elle accusa Mina de donner des rendez-vous à certaines personnes chez Mme Cramer, qui, malgré le conte de la brouille apparente, n’était que trop d’accord avec elle.

— Ce monstre de Ruppert m’aurait-il déjà trahie ? se dit Mina.

Alfred la regardait fixement comme pour découvrir la vérité. Le peu de délicatesse de ce regard lui donna le courage du désespoir : elle nia froidement la calomnie dont on la chargeait, et n’ajouta pas un mot. Mme de Larçay la chassa. A deux heures du matin qu’il était alors, Mina se fît accompagner chez Mme Cramer par le fidèle Dubois. Enfermée dans sa chambre, Mina versait des larmes de rage en songeant au peu de moyens de vengeance que lui laissait l’étrange position où elle s’était jetée. — Ah ! ne vaudrait-il pas mieux, se dit-elle, tout abandonner et retourner à Paris ? Ce que j’ai entrepris est au-dessus de mon esprit. Mais Alfred n’aura d’autre souvenir de moi que le mépris ; toute sa vie, Alfred me méprisera, ajouta-t-elle en fondant en larmes. — Elle sentit qu’avec cette idée cruelle qui ne la quitterait plus, elle serait encore plus malheureuse à Paris qu’à Aix. « Mme