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FÉDER


bien quelque gré de ce respect ; car de vingt endroits du jardin on pouvait les voir. Cependant, au fond, il ne lui plut point ; il était, à ses yeux, gâté par un mélange d’hypocrisie, et que devenait-elle si l’hypocrisie se mêlait à la conduite que Féder avait à son égard ?

Il était bien vrai que cet extrême respect était une affectation. Féder savait bien que c’est à l’instant où une femme vient de se compromettre le plus qu’il lui faut faire oublier l’insigne folie qu’elle vient de commettre en consolant sa vanité et jetant à l’immense voracité de cette habitude de l’âme des femmes les marques de respect les plus exagérées.

Mais l’un des effets les plus doux et les plus singuliers de l’étrange sentiment qui unissait Féder à Valentine, c’est, si l’on peut parler ainsi, de maintenir toujours le bonheur au même niveau dans les deux âmes unies par l’amour.

Féder vit fort bien la nuance de désappointement qui se peignit dans les yeux de Valentine en lui voyant faire ses saluts si respectueux. « Ce mécontentement, se dit-il, va la conduire à une défiance qui lui semblera de la prudence toute simple, demain, peut-être ; elle arrivera à me nier que, lorsqu’elle m’a cru mort, il lui est arrivé de m’avouer qu’elle m’aimait avec