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ROMANS ET NOUVELLES


mort, dit celle-ci ; vous aviez été tué en duel, et le moment qui nous sépare d’un ami véritable est toujours, comme vous le savez, accompagné d’un trouble extrême. dont nous ne sommes pas responsables. Il serait injuste de nous accuser.

Valentine cherchait à s’excuser ; le contraste était frappant entre le ton de voix presque officiel qu’elle cherchait à prendre et le son de voix tendre et abandonné dont, un instant auparavant, Féder avait eu le bonheur d’être le témoin et l’objet.

— Vous cherchez à obscurcir le moment le plus heureux de ma vie, lui dit-il en lui prenant la main.

Elle n’eut pas la force de soutenir la feinte jusqu’au bout.

— Eh bien, allez-vous-en, mon ami, lui répondit-elle sans retirer sa main ; laissez-moi me remettre d’un si grand trouble et d’une si grande folie. Ne m’en reparlez jamais ; mais allez, je n’ai point changé de sentiments. Adieu, je ne veux point faire l’hypocrite avec vous ; mais, au nom du ciel, laissez-moi seule. On m’avait annoncé votre mort ; ne me faites pas repentir, à l’avenir, de vous avoir regretté si follement, quand je croyais ne vous jamais revoir.

Féder obéit en affectant l’apparence du respect le plus profond. Valentine lui sut