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ROMANS ET NOUVELLES


où Féder n’allait pas à Viroflay. C’était lui qui avait donné à Boissaux le cocher et les valets de pieds qui montaient derrière la voiture. Lorsque Féder se fut bien assuré que ces domestiques n’étaient pas gens à dire des paroles inutiles, peu à peu, sous prétexte de faire faire de l’exercice à son cheval, il prit l’habitude d’aller au-devant de madame Boissaux jusqu’au pont de Neuilly, et jamais il ne paraissait auprès d’elle dans le bois de Boulogne. Il disait tout à Valentine, excepté ces précautions, qui auraient alarmé cette âme naïve.

Pendant plusieurs jours Boissaux n’aborda point le sujet des livres. Enfin, comme il ne comprenait pas, dans toute leur étendue, les conseils donnés par Féder, il revint sur ce sujet. Il est vrai qu’il parla absolument comme si c’était lui, Boissaux, qui cherchait à convaincre Féder que l’on ne devait pas voir de livres dans la maison d’un homme qui prétendait à être admis dans la bonne compagnie. Féder fut au comble du bonheur de voir la tournure que prenait cette affaire, et toute son adresse fut employée à éloigner des longues conversations qu’il avait avec Boissaux les moindres mots qui eussent eu l’air de revendiquer pour lui la paternité de cette idée sublime, de faire succéder aux volumes richement reliés les primeurs les plus chères,