la discussion, vous avez l’air d’un homme
qui ne comprend pas ce qu’il lit, ou, mieux
encore, qui tient un volume ouvert sur
son bureau et qui ne lit pas du tout. Supposons
que deux ou trois personnes surviennent,
je vous connais, vous êtes plein
d’audace et de bravoure, vous ne voulez
pas avoir l’air de céder à un petit cuistre
qui n’a peut-être pas mille écus de rente.
Vous avez, sans doute, un tout autre esprit
que lui ; mais il a lu vingt fois, peut-être
le passage de Rousseau qui est là ouvert
sur votre bureau ; ce petit cuistre a de la
mémoire, à défaut de jugement ; il a lu
dix articles de journaux sur cet ouvrage de
Jean-Jacques, et il s’en souvient. Dans une
des mille réponses que vous êtes obligé de
lui faire, vous prenez un mot pour un
autre, et, par exemple, vous attribuez à
Rousseau un pamphlet antireligieux qui
est l’ouvrage de Voltaire. L’interlocuteur
vous répond par une plaisanterie piquante ;
ce mot méchant ne se sépare plus de votre
nom ; le petit cuistre et ses amis vont le
répétant partout, et vous voilà comme un
arbre vert dont on a cassé le bouquet ;
vous ne pouvez plus vous élever ; toutes
les fois qu’on cite votre nom, il se trouve
un sot dans un coin du salon, pour s’écrier :
« Ah ! c’est ce bon négociant qui prend
Rousseau pour Voltaire, qui croit que
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