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ROMANS ET NOUVELLES

— Non, vous ne savez pas tout ce qu’il y a dans ces maudits livres, reprit Féder avec une énergie de mauvais ton toujours croissante ; c’est le diable à confesser. Tout homme qui n’a pas eu le goût de la lecture dès l’âge de dix ans ne saura jamais tout ce qu’il y a dans les livres. Or la moindre erreur sur leur contenu vous expose à un ridicule amer et qui s’attache à vous ; le simple oubli d’une date suffit pour exciter le rire de toute une table.

Ici Boissaux, devenu plus attentif, tira de la poche de son gilet sa main pleine de napoléons, et ne l’y replongea plus ; c’était chez lui le signe de l’attention, allant jusqu’à l’inquiétude.

— Je sais que votre imagination puissante aime le merveilleux ; eh bien, le merveilleux va me servir à vous peindre tout votre danger. Je suppose un magicien auquel vous remettrez dix billets de mille francs, et qui, en revanche, vous donnera la connaissance parfaite de tout ce qu’il y a dans les œuvres de Voltaire et de Rousseau, et même dans tous ces autres livres, que vous avez achetés avec la prodigalité qui vous distingue ; je dis que vous ne devriez pas faire ce marché ; ce serait un marché de dupe. Pour vous avancer dans ce monde de Paris et pour faire de belles affaires, de la bienveillance