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FÉDER


ne voulait pas voir absolument, c’était la conséquence si naturelle de cette vérité : Il fallait partir, si l’on craignait de tomber dans cette situation, si dangereuse pour l’homme qui a un cœur.

Féder usait de toutes les ressources imaginables pour ne pas arriver à une conclusion si terrible. Ainsi, se trouvaient-ils seuls un peu longtemps, il se donnait pour tâche d’examiner cette question : « Est-il bien pour le bonheur de Valentine que je la désabuse de toutes ces fausses idées qui lui sont restées du couvent ? N’est-ce pas comme si je lui donnais les bénéfices d’une vieillesse prématurée ? » Féder avait fait tant de folies dans sa première jeunesse, qu’il avait maintenant un caractère plus prudent que son âge, et il se fût facilement décidé à ne désabuser Valentine que des fausses notions qui pouvaient la conduire, sous ses yeux, à des erreurs désagréables. Mais souvent, au moment où l’action à faire se présentait, Féder n’avait plus le temps ou l’occasion d’expliquer à sa jeune amie tout ce qu’elle aurait dû savoir pour agir d’une façon convenable. Beaucoup d’explications nécessaires ne pouvaient pas être données avec clarté et sincérité devant des provinciaux aussi encroûtés que MM. Delangle et Boissaux ; ils se seraient scandalisés à chaque mot un peu