Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
223
FÉDER


n’allait presque jamais au bois de Boulogne sans que Féder fût à cheval à quelques pas de sa voiture.

Elle ne pouvait comprendre que l’ennui fût presque l’unique mobile des gens qui sont nés à Paris avec des chevaux dans leur écurie.

— Ces êtres que le vulgaire croit si heureux, ajoutait Féder, s’imaginent avoir les mêmes passions que les autres hommes : l’amour, la haine, l’amitié, etc. ; tandis que leur cœur ne peut plus être ému que par les seules jouissances que procure la vanité. Les passions, à Paris, se sont réfugiées dans les étages supérieurs des maisons, et je parierais bien, ajoutait Féder, que, dans cette belle rue du faubourg Saint-Honoré, que vous habitez, jamais une émotion tendre, vive et généreuse n’est descendue plus bas que le troisième étage.

— Ah ! vous nous faites injure ! s’écriait Valentine, qui se refusait absolument à admettre des faits aussi tristes.

Quelquefois Féder s’arrêtait tout à coup ; il se reprochait de dire la vérité à une femme aussi jeune : n’était-ce point faire courir des risques à son bonheur ? D’un autre côté, Féder se rendait cette justice, qu’il ne lui disait rien dans le dessein de faciliter les projets que son amour pouvait