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FÉDER


de Clèves, de la Marianne de Marivaux, et de la Nouvelle Héloïse. Tous ces livres figuraient avec honneur parmi les volumes dorés sur tranche que journellement on apportait de Paris à Viroflay.

Vivant au milieu de gens à argent, Valentine arriva à cette idée, marquante par sa justice distributive : « Nous payons tous les jours quatre-vingts ou cent francs une loge au spectacle, pour un plaisir souvent assez mélangé d’ennui et qui dure une ou deux heures : et, si j’ai un plaisir quelquefois si vif à lire les beaux volumes de mon mari, à qui le dois-je, si ce n’est à cette bonne religieuse madame Gerlat, qui, au lieu d’hébéter systématiquement mon esprit, me fit étudier au couvent cette sublime Imitation de Jésus-Christ et cette charmante Philotée de saint François de Sales ? » Le lendemain de cette idée, comme son mari envoyait en courrier à Bordeaux un de ses commis, Valentine demanda cent napoléons à son frère, et le commis fut chargé de demander au parloir la bonne religieuse, madame Gerlat, et de lui remettre ce souvenir, au moyen duquel elle pouvait acquérir de la considération dans le couvent.

Ce mois, pendant lequel Valentine acquit de l’esprit, fut délicieux pour elle, et fit époque dans sa vie. Elle entretenait Féder,