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FÉDER


au moment où Féder entrait dans le salon ; un regard intime et de joie contenue allait le chercher à chaque instant, dans toutes les places qu’il occupait successivement, et ce regard semblait consulter le jeune peintre sur tous les partis à prendre. Delangle voyait à peu près tout cela ; et, par une conséquence naturelle, Féder trouva une certaine froideur chez son ami.

Un jour que l’on était allé voir une charmante habitation, située à Saint-Gratien, tout près de la petite église où reposent les restes de Catinat, en parcourant le jardin, Féder se trouva seul, un instant, avec madame Boissaux.

— Delangle, lui dit-il avec un sourire qui peignait toute la passion qu’il éprouvait, Delangle a des soupçons, assurément bien mal fondés ; il croit que nous nous aimons d’amour : quand nous avons pris le chemin de l’allée où nous sommes et quand le reste de la société a voulu se rapprocher du lac, Delangle, s’est tenu à l’écart : je parie qu’il va chercher à nous écouter ; mais j’ai de bons yeux. Au moment où je tirerai ma montre sans rien dire, c’est que j’aurai vu notre ami se glisser derrière quelque massif de verdure, pour surprendre ce que nous pouvons nous dire lorsque nous sommes seuls. Il faut donc, belle Valentine, continua Féder,