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ROMANS ET NOUVELLES


seigner ce qu’il fallait penser sur toutes les choses de Paris à la femme qu’il aimait. Pour tout au monde, il n’eût pas voulu lui entendre répéter les idées exagérées, ou tout au moins grossières, que M. Boissaux exprimait en toute circonstance.

Les provinciaux, qui avaient remarqué les regards de madame Boissaux et qui respectaient infiniment ses excellents dîners, n’étaient pas gens à craindre d’offenser sa délicatesse. Aussi Féder s’étant écrié, lorsque Boissaux sortait pour aller à son prétendu rendez-vous : « Je vous prierai de me jeter quelque part, » ils se hâtèrent brutalement de faire l’éloge de Féder en adressant la parole à madame Boissaux, et cette femme, dont l’esprit délicat saisissait dans la société les moindres affectations, ne fut point choquée de ces éloges du jeune peintre, qui n’étaient amenés par rien, si ce n’est par le grossier désir d’accrocher quelques bons dîners. Celui de ces parasites qui s’était le plus distingué par l’impudence de ses louanges fut engagé à venir le soir même à la loge de l’Opéra, et, de plus, ne fut point oublié dans la liste d’invitations pour le prochain dîner.

Loin de s’exagérer le sentiment qu’il éprouvait, Féder, sans s’en apercevoir,