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FÉDER

placées près de lui. Il était plongé dans une rêverie profonde ; il souriait mélancoliquement à ses pensées ; il se disait : « C’est ainsi que j’étais il y a huit ans, quand je poursuivais le pauvre Petit Matelot ! » lorsqu’il fut réveillé par une voix puissante, s’écriant tout près de son oreille :

— Eh bien, notre ami !

En même temps, une grosse main s’appuyait sur son épaule.

Ce propos sonore fit faire un mouvement à tous les chapeaux de femme qui se trouvaient dans le salon. C’était M. Boissaux qui voulait faire une politesse à l’ami Féder, comme il l’appelait. Féder s’approcha en riant de la table où Valentine était placée ; mais bientôt l’air riant fut remplacé, à son insu, par celui d’une attention sérieuse et profonde ; il examinait la figure de Valentine, qu’il avait quittée il y avait seulement quelques heures ; il lui semblait presque ne la plus reconnaître, tant il avait tiré de conséquences hasardées de chacun des traits qui la composaient. Il était occupé à détruire ou à approuver chacune de ces conséquences, tandis que Delangle lui adressait une énorme quantité de phrases amicales, qui évidemment devaient former la préface de quelque proposition singulière. « Il sera temps de m’en occuper, se dit