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FÉDER

— Quel dommage, se disait-il, que Rosalinde ne nous voie pas ! elle qui me reproche toujours d’être timide envers les sots devant lesquels j’étale ma douleur, elle verrait si je suis digne d’être membre de l’Institut.

La petite madame Boissaux avait l’air d’une enfant, quoique son frère répétât à chaque instant qu’elle aurait vingt-deux ans à la Sainte-Valentine prochaine (le 14 février) ; venue au monde ce jour-là, on lui en avait donné le nom. Elle était grande et bien faite ; sa figure, presque anglaise, eût offert l’image de la beauté parfaite, si ses lèvres n’eussent été trop développées, surtout la lèvre inférieure. Toutefois, ce défaut lui donnait un air de bonté, et, si l’on ose dire ici la pensée du peintre, un air de possibilité de passion qui ne parut point à dédaigner au jeune Werther. Dans une femme aussi belle, une seule chose le frappa, ce fut la coupe du front et de la base du nez : ce trait annonçait une dévotion profonde. Et, en effet, en descendant de voiture devant l’hôtel magnifique de l’amateur qui possédait le beau portrait par madame de Mirbel, Féder trouva le moment de dire à Delangle :

— N’est-ce pas qu’elle est dévote ?

— Ma foi, mon ami, vous êtes aussi grand