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FÉDER

ce qui le concernait. Un jour, à l’exposition au Louvre, vêtu de noir, comme il convenait à son caractère sérieux, il s’était mêlé à la foule d’admirateurs arrêtés devant son cadre de miniatures. Grâce au savoir faire de Rosalinde, on avait parlé de ses ouvrages avec ravissement dans dix-sept articles sur le salon, et les connaisseurs, réunis devant ses miniatures, répétaient fort exactement, et en se donnant l’air de les inventer, les phrases des feuilletons. Féder était tellement peu de son siècle, que cette circonstance lui inspira du dégoût. En faisant quelques pas, il arriva au cadre de madame de Mirbel[1] ; le sentiment pénible du dégoût fut remplacé par celui d’une admiration véritable. Enfin, il s’arrêta, comme frappé de la foudre, devant un portrait d’homme.

— Le fait est, s’écria-t-il en se parlant à lui-même, que je n’ai aucun talent ; mes portraits sont d’infâmes caricatures des défauts que présentent les figures de mes modèles ; ma couleur est toujours fausse. Si les spectateurs avaient l’esprit de se livrer simplement à leurs sensations, ils diraient que les femmes que je peins sont de porcelaine.

À la fin de l’exposition, Féder eut la

  1. Morte à Paris, le 29 Août 1849.