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ROMANS ET NOUVELLES

Outré de ce nouvel attentat de l’ironie française, il déclara que de sa vie il ne reverrait son fils, et lui envoya quinze cents francs et l’ordre de ne jamais se présenter devant lui.

Féder sauta de joie à la vue des quinze cents francs. C’était avec des peines infinies qu’il avait pu réunir, de son côté, une somme à peu près égale, et, le lendemain, il partit pour Paris, le centre de l’esprit et de la civilisation, avec le petit matelot, enchantée de revoir la capitale et ses amies du Conservatoire.

Quelques mois plus tard, Féder perdit sa femme, qui mourut en lui donnant une petite fille. Il crut devoir annoncer à son père ces deux événements graves ; mais, peu de jours après, il sut que Michel Féder était ruiné et en fuite. Son immense fortune lui avait tourné la tête, sa vanité avait rêvé de s’emparer de tous les draps d’une certaine espèce que l’on fabrique en France ; il voulait faire broder sur la lisière des pièces de drap, les mots : Féder von Deutschland (Féder l’Allemand), et ensuite porter au double de leur valeur actuelle ces draps, qui, naturellement, auraient pris le nom de draps féder ; ce qui devait l’immortaliser. Cette idée, pas mal française, fut suivie d’une banqueroute complète, et notre héros se