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LE CHEVALIER DE SAINT-ISMIER

régiment de Royal-Cravate, dont je pense que jamais vous n’avez entendu parler. Je suis arrivé à Bordeaux à neuf heures du soir, et comme je cherchais l’hôtel de Miossens, un homme fort bien vêtu est tombé sur moi dans la rue, l’épée haute. Nous nous sommes battus et je l’ai tué. On m’a poursuivi longtemps. J’ai trouvé ouverte une petite porte : c’était celle de votre jardin. J’ai monté un escalier, et comme il me semblait que l’on me poursuivait toujours, j’ai passé du balcon de l’escalier à celui de votre antichambre. Voyant de la lumière ici, je me suis avancé en adressant toutes sortes d’excuses au gentilhomme que je troublais, et lui racontant assez ridiculement mon histoire à haute voix, ainsi que je le fais en ce moment. Je mourais de peur d’être pris pour un voleur. Toutes ces politesses ont fait que je ne me suis aperçu qu’après un gros quart d’heure que ce lit n’était point occupé. Il paraît que je me suis endormi. J’ai été réveillé par le corps d’une personne tuée qui tombait sur moi. J’ai trouvé une charmante petite main de femme, je suis ici dans la chambre nuptiale de quelque grand seigneur jaloux, car j’avais tout le loisir d’admirer la magnificence et le bon goût de l’ameublement. Je me suis dit :