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ROMANS ET NOUVELLES

tout souillés de sang fut si violent, ainsi que notre héros l’apprit par la suite, qu’elle s’évanouit, tombant d’abord sur le lit, puis sur le plancher. Dans ce désordre, la bougie s’éteignit. Le bruit et le mouvement éveillèrent Saint-Ismier, mais quoiqu’il eût fait quatre ou cinq campagnes et vu d’étranges accidents dans les guerres d’Allemagne, envenimées par le fanatisme, jamais il ne s’était trouvé dans un cas aussi embarrassant. D’abord en se réveillant en sursaut, il ne savait où il était, à peine revenu à lui-même. Il saisit vivement son épée, il écouta ; tout était dans un profond silence. Il toucha ce qui lui était tombé sur la jambe, il trouva une personne qu’il crut morte ; il trouva une main dont la petitesse et la peau fort douce lui firent penser que c’était une femme que quelque jaloux avait tuée.

« Il faut la secourir », se dit-il.

Dès ce moment, il retrouva tout son sang-froid. La tête de cette femme était sur son genou. Il retira la jambe le plus doucement qu’il put, releva la tête de ce corps et l’appuya sur un carreau. Il trouva tant de chaleur sous les bras en soulevant le corps qu’il pensa que peut-être cette personne n’était qu’évanouie par suite de quelque grande blessure.