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coucher, en payant. « Eh bien, ils vous logeront gratis ! » s’écria-t-il. Il me fit donner un beau billet de logement pour deux nuits, et quatre hommes me furent donnés pour m’accompagner.

Je revins à cette auberge de la grande place, d’où l’on m’avait jeté des pierres ; je frappai par deux fois ; je dis en français, que je parle fort bien, que j’avais quatre hommes et que, si on ne m’ouvrait pas, j’allais enfoncer la porte : pas de réponse. Alors nous allâmes chercher une grande pièce de bois, et nous nous mîmes à ébranler la porte. Elle était plus qu’à moitié enfoncée, quand un homme l’ouvrit vivement. C’était un grand drôle de six pieds ; il avait le sabre d’une main et une chandelle allumée de l’autre. « Il va y avoir du tapage, et on me pillera ma charrette », pensai-je. Quoique j’eussse un bon billet de logement gratis, je criai : « Monsieur,je vais vous payer d’avance, si vous voulez. — Ah ! c’est toi, Philippe ! s’écria l’homme en baissant son sabre et me sautant au cou. Quoi ! cher Philippe, c’est toi, ne reconnais-tu pas Bonnard, le caporal du 20e régiment ? »

À ce nom, je l’embrassai et je renvoyai les soldats. Bonnard avait logé pendant six moischez mon père à Vicence. « Je vais te donner mon lit, me dit-il. — Je meurs de