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était parti pour Valence et Avignon, je le suivis après m’être arrêté trois jours à Lyon.

Mais, monsieur, un soir j’arrive à Valence à huit heures, il était nuit et il pleuvait ; je frappe à la porte d’une auberge : on ne répond pas ; je frappe plus fort ; on me dit qu’il n’y a pas de logement pour un Cosaque ; je frappe encore, on me jette des pierres du secondétage. « C’est clair, me dis-je, je vais mourir cette nuit dans cette maudite ville. » Je ne savais où était le commandant de la place ; personne ne voulait me répondre ; personne ne voulait me servir de guide. « Le commandant sera couché, me disais-je, et ne voudra pas me recevoir. »

Plutôt que de mourir, je vis qu’il fallait sacrifier de la marchandise ; je donnai un verre d’eau-de-vie à la sentinelle ; c’était un Hongrois. M’entendant parler hongrois, il eut pitié de moi, et me dit d’attendre qu’on le relevât. Je mourais de froid ; on vint enfin le relever. Je donnai à boire au caporal, ensuite à tout le corps de garde. Enfin, le sergent me conduisit chez le commandant. Ah ! quel brave homme, monsieur ! Je ne le connaissais pas, il me fit entrer tout de suite. Je lui expliquai que, par haine pour le king, aucun aubergiste ne voulait me donner à