Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il commandait, le général Miollis jugea prudent de procéder à l’enlèvement du pape dans le plus grand secret, et ne négligea aucune des précautions nécessaires pour assurer l’exécution d’un projet qui présentait des difficultés presque insurmontables dans un pays où le peuple ne connaît que la religion, et révère le pape non-seulement comme un souverain mais comme un Dieu sur la terre. Trois jours avant le dénouement de ce drame, tous les notables de Trastévère, Monti, Popolo et Borgo, se présentèrent aux portes du palais sous le prétexte d’aller offrir à Sa Sainteté un esturgeon d’une grandeur démesurée et pesant trois cents livres. La consigne qui défendait l’entrée du palais n’avait pas été révoquée ; mais les Français, craignant de fortifier les soupçons du peuple, s’ils s’opposaient à cette démarche, s’y prêtèrent de bonne grâce. La députation fut donc introduite, avec son énorme poisson, auprès du pape qui agréa cet hommage, et remercia les notables de ce témoignage d’attachement à leur souverain, qu’opprimaient les ennemis de l’Église. Alors l’un des députés prit la parole pour faire connaître au pape le véritable but de leur visite : « Dans ces graves circonstances, lui dit-il, nous avons eu recours à la ruse pour tromper la sur-