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sentait, et les trempaient dans la liqueur sacrée. Étant allés en procession avec mon oncle pour offrir nos hommages à cette madone, nous mîmes à profit cette circonstance pour aborder le curé et le prier de prendre nos rosaires ; il y consentit après un assez long débat, et nous les rendit trempés non de lait, mais d’une huile si grasse qu’il fallut longtemps attendre avant de pouvoir les remettre dans nos poches.

Dans l’année 1797, l’armée française s’étant emparée de Rome pour y établir le système républicain, on organisa immédiatement une garde nationale. Mon oncle, dont les sentiments et les opinions étaient loin de sympathiser avec ceux des vainqueurs, se vit, à son grand regret, contraint de dissimuler son opposition et de solliciter le rang de capitaine, ce qui le mit dans la triste nécessité de concourir aux préparatifs de la fête de la fédération et de m’envoyer à la procession, qui précéda cette solennité républicaine, dont la place du Vatican fut le théâtre. J’étais vêtu à l’antique ainsi que les autres enfants ; nous portions sur la tête des couronnes, et autour du cou des guirlandes de laurier. Je pris à cette nouveauté patriotique plus de plaisir qu’aux processions de la Vierge ; mes