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reçut M. de Ruppert. Il n’était pas encore remis de son étonnement.

— De grands malheurs qui ont changé ma position, lui dit Mina, m’ont portée à rendre justice à votre amour. Vous convient-il d’épouser une veuve ?

— Vous auriez été mariée secrètement ! dit le comte pâlissant.

— Comment ne l’avez-vous pas deviné, répondit Mina, lorsque vous m’avez vue vous refuser, vous et les plus grands partis de France ?

— Caractère singulier, mais admirable ! s’écria le comte, cherchant à faire oublier son étonnement.

— Je suis liée à un homme indigne de moi, reprit mademoiselle de Vanghel ; mais je suis protestante, et ma religion, que je serais heureuse de vous voir suivre, me permet le divorce. Ne croyez pas cependant que je puisse, dans ce moment, éprouver de l’amour pour personne, même quand il s’agirait de l’homme, qui m’inspirerait le plus d’estime et de confiance : je ne puis vous offrir que de l’amitié. J’aime le séjour de la France ; comment l’oublier quand on l’a connue ? J’ai besoin d’un protecteur. Vous avez un grand nom, beaucoup d’esprit, tout ce qui donne une belle position dans le monde. Une grande fortune peut faire