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devant les nouveaux projets de Mima ; elle croyait ne pas s’écarter de la vertu, parce qu’elle n’eût pas hésité à sacrifier mille fois sa vie pour être utile à Alfred.

Peu à peu madame de Larçay devint décidément jalouse d’Aniken. Le singulier changement de la figure de cette fille ne lui avait point échappé ; elle l’attribuait à une extrême coquetterie. Madame de Larçay eût pu obtenir son renvoi de haute lutte. Ses amies lui représentèrent qu’il ne fallait pas donner de l’importance à une fantaisie : il fallait éviter que M. de Larçay fit venir Aniken à Paris. — Soyez prudente, lui dit-on, et votre inquiétude finira avec la saison des eaux.

Madame de Larçay fit observer madame Cramer et essaya de faire croire à son mari qu’Aniken n’était qu’une aventurière qui, poursuivie à Vienne ou à Berlin, pour quelque tour répréhensible aux yeux de la justice, était venue se cacher aux eaux d’Aix, et y attendait probablement l’arrivée de quelque chevalier d’industrie, son associé. Cette idée présentée comme une conjecture fort probable, mais peu importante à éclaicir, jeta du trouble dans l’âme si ferme d’Alfred. Il était évident pour lui qu’Aniken n’était pas une femme de chambre ; mais quel grave intérêt avait pu la porter au rôle pénible