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Kœnigsberg ! » Le courage qui avait soutenu Mina tant qu’il avait été question d’agir, commençait à l’abandonner. Son âme était vivement émue, sa respiration se pressait. Le repentir, la crainte de la honte, la rendaient fort malheureuse. Mais enfin la lune se leva derrière la montagne de Haute-Combe ; son disque brillant se réfléchissait dans les eaux du lac doucement agitées par une brise du nord ; de grands nuages blancs à formes bizarres passaient rapidement devant la lune et semblaient à Mina commedes géants immenses. « Ils viennent de mon pays, se disait-elle ; ils veulent me voir et me donner courage au milieu du rôle singulier que je viens d’entreprendre.» Son œil attentif et passionné suivait leurs mouvements rapides. « Ombres de mes aïeux, se disait-elle, reconnaissez votre sang ; comme vous j’ai du courage. Ne vous effrayez point du costume bizarre dans lequel vous me voyez ; je serai fidèle à l’honneur. Cette flamme secrète d’honneur et d’héroïsme que vous m’avez transmise ne trouve rien de digne d’elle dans le siècle prosaïque où le destin m’a jetée. Me mépriserez-vous parce que je me fais une destinée en rapport avec le feu qui m’anime ? » Mina n’était plus malheureuse.