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s’en empara et se sauva dans les jardins. Elle passa une heure à suivre le voyage projeté par M. de Larçay. Les noms des petites villes qu’il allait parcourir lui semblaient nobles et singuliers. Elle se faisait les images les plus pittoresques de leur position ; elle enviait le bonheur de ceux qui les habitaient. Cette douce folie fut si forte, qu’elle suspendit ses remords. Quelques jours après, on dit chez madame de Cély que les Larçay étaient partis pour la Savoie. Cette nouvelle fut une révolution dans l’esprit de Mina ; elle éprouva un vif désir de voyager.

À quinze jours de là, une dame allemande, d’un certain âge, arrivait à Aix en Savoie, dans une voiture de louage prise à Genève. Cette dame avait une femme de chambre contre laquelle elle montrait tant d’humeur que madame Toinod, la maîtresse de la petite auberge où elle était descendue, en fut scandalisée. Madame Cramer, c’était le nom de la dame allemande, fit appeler madame Toinod. — Je veux prendre auprès de moi, lui dit-elle, une fille du pays qui sache les êtres de la ville d’Aix et de ses environs ; je n’ai que faire de cette belle demoiselle que j’ai eu la sottise d’amener et qui ne connaît rien ici.

— Mon Dieu ! votre maîtresse a l’air