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de ses nouvelles amies, disait de Mina qu’elle était différente, mais non pas singulière : une grâce charmante lui faisait tout pardonner ; on ne lisait pas dans ses yeux qu’elle avait des millions ; elle n’avait pas la simplicité de la très bonne compagnie, mais la vraie séduction.

Cette vie tranquille fut troublée par un coup de tonnerre : Mina perdit sa mère. Dès que sa douleur lui laissa le temps de songer à sa position, elle la trouva des plus embarrassantes. Madame de Cély l’avait amenée à son château. — Il faut lui disait cette amie, jeune femme de trente ans, il faut retourner en Prusse, c’est le parti le plus sage ; sinon, il faut vous marier ici dès que votre deuil sera fini, et, en attendant faire bien vite venir de Kœnigsberg une dame de compagnie qui, s’il se peut, soit de vos parentes.

Il y avait une grande objection : les Allemandes, même les filles riches, croient qu’on ne peut épouser qu’un homme qu’on adore. Madame de Cély nommait à mademoislle de Vanghel dix partis sortables ; tous ces jeunes gens semblaient à Mina vulgaires, ironiques, presque méchants. Mina passa l’année la plus malheureuse de sa vie ; sa santé s’altéra, et sa beauté disparut "presque entièrement. Un jour qu’elle était venue voir madame de Cély,