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vingt années de dévouement, n’a trouvé que la surveillance de la police la plus vile qui fut jamais ! Non, plutôt changer de religion et aller mourir religieuse dans le fond de quelque couvent catholique !

Mina ne connaissait les cours que par les romans de son compatriote Auguste Lafontaine. Ces tableaux de l’Albane présentent souvent les amours d’une riche héritière que le hasard expose aux séductions d’un jeune colonel, aide de camp du roi, mauvaise tête et bon cœur. Cet amour, né de l’argent, faisait horreur à Mina.

— Quoi de plus vulgaire et de plus plat, disait-elle à sa mère, que la vie d’un tel couple un an après le mariage, lorsque le mari, grâce à son mariage, est devenu général-major et la femme dame d’honneur de la princesse héréditaire ! que devient leur bonheur, s’ils éprouvent une banqueroute ?

Le grand-duc de C…, qui ne songeait pas aux obstacles que lui préparaient les romans d’Auguste Lafontaine, voulut fixer à sa cour l’immense fortune de Mina. Plus malheureusement encore, un de ses aides de camp fit la cour à Mina, peut-être avec autorisation supérieure. Il n’en fallut pas davantage pour la décider à fuir l’Allemagne. L’entreprise n’était rien moins que facile.