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ROMANS ET NOUVELLES

peu dire dans la fière Germanie. Il est vrai que, comme paratonnerre contre ce malheur, Mina de Vanghel avait un des noms les plus noblesde l’Allemagne orientale. Elle n’avait que seize ans ; mais déjà le sentiment qu’elle inspirait aux jeunes militaires qui faisaient la société de son père allait jusqu’à la vénération et à l’enthousiasme ; ils aimaient le caractère romanesque et sombre qui quelquefois brillait dans ses regards.

Une année se passa ; son deuil finit, mais la douleur où l’avait jetée la mort de son père ne diminuait point. Les amis de madame de Vanghel commençaient à prononcer le terrible mot de maladie de poitrine. Il fallut cependant, à peine le deuil fini, que Mina parût à la cour d’un prince souverain dont elle avait l’honneur d’être un peu parente. En partant pour C…, capitale des états du grand-duc, madame de Vanghel, effrayée des idées romanesques de sa fille et de sa profonde douleur, espérait qu’un mariage convenable et peut-être un peu d’amour la rendraient aux idées de son âge.

— Que je voudrais, lui disait-elle, vous voir mariée dans ce pays !

— Dans cet ingrat pays ! dans un pays, lui répondait sa fille d’un air pensif, où mon père, pour prix de ses blessures et de