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LE ROSE ET LE VERT

comme elles disent toutes, elle m’épouse pour que je lui fasse mener une vie de duchesse. L’opera-buffa, les bals, la cour, s’il y a une cour, ou tout au moins une bouderie savante et les sermons de M. l’abbé Bon, et enfin sous un nom ou sous un autre, pour que je lui donne une vie brillante dans le plus brillant des mondes. Serai-je un fripon, monsieur l’abbé ? et la figure de Léon devint expressive et éloquente.

— Bon, se dit l’abbé, il va être indiscret et sincère.

— Serai-je un fripon ? Au lieu de cette vie de duchesse que cette jeune fille est en droit d’attendre de moi, ferai-je, comme lord Byron à sa femme, l’affront d’une vie singulière, obscure, sans laquais chamarrés et sans belles voitures bien vernissées ? Elle fera un éclat et me plantera là, sa mère criera comme une hyène dans la société que je suis un monstre. Mais non, elle et sa mère seront des anges de douceur et d’abnégation, elles m’accepteront comme un malheur nécessaire, inévitable ; mais moi, monsieur, que ne me dirai-je pas ? Si aujourd’hui je ne suis pas un exemple de gaieté folle, que serai-je marié, vexé par une femme qui voudra jouer à la duchesse, et avec un remords de plus si je fais comme lord Byron ?

— Je connais depuis huit jours une