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ROMANS ET NOUVELLES

terrible : « Mon père à mon âge eût bien ri de la proposition de s'occuper à aller voir l’endroit où son père s'était illustré. Mais est-ce ma faute à moi, se dit-il indigné, si le gouvernement ne fournit plus à personne l’occasion de s'illustrer ?… Par bonheur pour la France, elle n'a plus besoin de ces hommes sublimes qu’elle récompensa par une gloire immortelle et faute desquels elle fût devenue en 93 une province de la Prusse ou de l’Autriche. »

Le jour même[1]M. de Miossince rencontra le jeune duc du Bois de Boulogne, l’idée suivante le rendait rêveur et en faisait un compagnon peu agréable pour les amis avec lesquels il montait à cheval : « Quand je maudis le gouvernement de Louis-Philippe, je suis aussi ridicule qu’un médecin de campagne qui chercherait querelle à son village parce que personne n'y a la fièvre jaune. »

Tout en rêvant il n'était point silencieux, au contraire, seulement s'il était une minute ou deux sans être obligé de parler il se disait : « Si tu veux que ton pays te récompense par une grande gloire, cherche ses besoins actuels et satisfais à ces besoins. Mais, ajoutait la voix intérieure, si mon pays a besoin d’un préfet qui ne soit pas

  1. À partir d’ici, et jusqu’à la fin, le manuscrit redevient entièrement de la main de Stendhal. N.D.L.E.