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ROMANS ET NOUVELLES

voudrait épouser un duc, et M. de Miossince avait deux ou trois ducs assez indifférents en matière de religion qu’il n'eût pas été fâché d’enchaîner en leur disant nettement un beau jour : « La religion catholique et romaine vous donne une dot de sept millions et une fille charmante et pure, à ce prix voulez-vous être son homme ? Je vous demande, croyant ou non, votre parole d’honneur à cet égard. »

Cette visite donna à l’abbé la crainte profonde que Mina ne voulût retourner en Prusse, il croyait voir en Madame Wanghen la mère ordinaire d’une fille fort riche, à ce titre menée par des intrigues, ayant envers sa fille une politique profonde et commençant toujours par être d’une fausseté parfaite à son égard. Il ne doutait pas que Madame Wanghen ne voulût avant tout retourner à Kœnigsberg l’abbé ne comprenait pas le moindre mot à l’âme parfaitement pure de la mère et de la fille.

L’abbé vit avec tout l’étonnement d’une âme raisonnable et calme l’éloignement passionné pour la France que la soirée de la veille avait jeté dans l’âme de Mina. Ce qu’il voyait était si étrange qu’il craignit de se tromper. Il conseilla fort à ces dames de prendre une demi-loge à l’Opéra, une autre demi-loge