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ROMANS ET NOUVELLES

avaient-ils ce ton profondément impoli au fond ? Au milieu de la forte passion qui les possède et dans leur ardeur de persuader à tous leurs voisins qu’ils sont des gens considérables, les gens d’aujourd’hui n’avaient-[ils] pas l’air capables de tout faire ?

— Voilà le mot, chère maman, c’est toi qui l’as trouvé ! Et la politesse que ces gens à argent français étalent sur ce fond abominable ne les rend que plus hideux. Non, dans quelque position que par l’imagination on essaie de placer ces gens-là, on les voit toujours agissant suivant les règles strictes d’un égoïsme abominable. Ils veulent avant tout et à quelque prix que ce soit persuader à tout ce qui les écoute, primo qu’ils ont beaucoup d’argent, secundo qu’ils jouissent de la plus haute considération, tertio qu’ils ont beaucoup d’esprit.

— Te rappelles-tu la douce gaieté et la véritable bonhomie de M. Stenneberg, de M. Wolfrath, même du bon Jacobsen, quand ils étaient à table chez leur ami Pierre Wanghen ?

— On peut dire que ceux-ci forment un contraste parfait avec nos bons Allemands, répondit Mina ; elle ne continua pas sa pensée : il faut donc retourner à Kœnigsberg et renoncer à trouver rien de mieux. Sans doute elle estimait les Sten-