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ROMANS ET NOUVELLES

façon de converser dura bien dix minutes. Mina fronçait le sourcil.

— Tu as peur, lui dit Madame Wanghen en allemand ?

— Il est vrai, je n’ai jamais vu d’êtres si grossiers.

— Et le plaisant, dit madame Wanghen, c’est que c’est nous, allemands, qu’ils accusent de grossièreté. Jamais chez ton père, où il y avait aussi des dîners de vingt millions, as-tu vu des hommes se parler de cet air méchant et grossier ?

— Voilà qu’ils en sont presque aux démentis, dit Mina un instant après.

En effet chacun de ces honorables capitalistes prétendait savoir mieux que son voisin ce qui se passait à Londres et surtout à New-York, alors en pleine crise commerciale.

— Je suis d’un avis directement contraire, disait M. Pomar, je vous dis que les retours de la Nouvelle-Orléans se font en caissettes de piastres, on se garde bien de prendre des traites qui coûteraient sept à huit pour cent.

Ce dîner[1] jeta Mina dans une profonde rêverie ; Madame Wanghen remarqua même que cette disposition au silence

  1. À partir d’ici le manuscrit est constitué par un premier jet de la main de Stendhal. N. D. L. E.