Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
RACINE ET SHAKSPEARE

De mémoire d’historien, jamais peuple n’a éprouvé, dans ses mœurs et dans ses plaisirs, de changement plus rapide et plus total que celui de 1780 à 1823 ; et l’on veut nous donner toujours la même littérature ! Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bêtes et sans sel ; il riait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, à dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voilà une révolution notable. Une société dans laquelle un élément aussi essentiel et aussi répété que le sot est changé à ce point, ne peut plus supporter ni le même ridicule ni le même pathétique. Alors tout le monde aspirait à faire rire son voisin ; aujourd’hui tout le monde veut le tromper.

Un procureur incrédule se donne les œuvres de Bourdaloue magnifiquement reliées, et dit : Cela convient vis-à-vis des clercs.

Le poëte romantique par excellence, c’est le Dante ; il adorait Virgile, et cependant il a fait la Divine Comédie, et l’épisode d’Ugolin, la chose au monde qui ressemble le moins à l’Énéide ; c’est qu’il comprit que de son temps on avait peur de l’enfer.

Les Romantiques ne conseillent à per-