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RACINE ET SHAKSPEARE

qui se passait sur la scène. Mais un spectateur ordinaire, dans l’instant le plus vif de son plaisir, au moment où il applaudit avec transport Talma-Manlius disant à son ami : « Connais-tu cet écrit ? » par cela seul qu’il applaudit n’a pas l’illusion complète, car il applaudit Talma, et non pas le Romain Manlius[1] ; Manlius ne fait rien de digne d’être applaudi, son action est fort simple et tout à fait dans son intérêt.

l’académicien. — Pardonnez-moi, mon ami, mais ce que vous me dites-là est un lieu commun.

le romantique. — Pardonnez-moi, mon ami, mais ce que vous me dites là est la défaite d’un homme qu’une longue habitude de se payer de phrases élégantes a rendu incapable de raisonner d’une manière serrée.

Il est impossible que vous ne conveniez pas que l’illusion que l’on va chercher au théâtre n’est pas une illusion parfaite. L’illusion parfaite était celle du soldat en faction au théâtre de Baltimore. Il est impossible que vous ne conveniez pas que les spectateurs savent bien qu’ils sont au théâtre, et qu’ils assistent à la représen-

  1. Manlius Capitolinus de Lafosse d’Aubigny. N. D. L. É.