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RACINE ET SHAKSPEARE

par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écriée, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. » Tous les écrivains de bonne compagnie, non-seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie.

Mais revenons. Pouvez-vous me nier que l’habitant de Londres ou d’Édimbourg, que les compatriotes de Fox et de Shéridan, qui peut-être ne sont pas tout à fait des sots, ne voient représenter, sans en être nullement choqués, des tragédies telles que Macbeth, par exemple ? Or cette pièce, qui, chaque année, est applaudie un nombre infini de fois en Angleterre et en Amérique, commence par l’assassinat du roi et la fuite de ses fils, et finit par le retour de ces mêmes princes à la tête d’une armée qu’ils ont rassemblée en Angleterre, pour détrôner le sanguinaire Macbeth. Cette série d’actions exige nécessairement plusieurs mois.

l’académicien. — Ah ! vous ne me persuaderez jamais que les Anglais et les